samedi 26 septembre 2015

Sacré Coeur

L'hiver dernier j'ai découvert, par hasard, les livres d'Irvin Yalom. 

Le premier était sur Spinoza, un philosophe que je découvrais. Et comme j'ai bien aimé, j'ai continué en lisant Dans le jardin d'Epicure. Tandis que le premier est un roman, celui là est plutôt un recueil de cas cliniques. Le monsieur est médecin psychiatre, psychothérapeute, et amateur de philo. 

Ce livre m'a alors beaucoup aidé à avoir une relecture de mon passé, et en particulier de ce que nous avons vécu après l'accident de voiture. Tout les cas sont relatifs à la peur de la mort. A la façon que nous avons de réagir face à l'idée que nous sommes mortels. Mais ce n'est pas vraiment pour ça que je vous en parle. Dans ce livre, il y avait une phrase que j'ai retenue. N'ayant pas le livre sous la main pour vous la donner avec exactitude, je compte sur vous pour accepter mon approximation. 

Quand nous sommes fatigués, nous sommes assaillis par des pensées que nous avons dominées il y a longtemps.


Ca n'a l'air de rien, comme ça. Mais il parlait d'une dame qui avait, après beaucoup de rendez-vous, réussi à résoudre ses problèmes, et qui à l'occasion d'une fatigue, a l'impression de repartir en arrière. 

Et bien c'est vrai. Cet hiver j'ai eu l'occasion de le constater un peu, mais là, c'est carrément flagrant. Je n'ai pas l'impression d'être malheureuse. Au contraire. Mais je suis très fatiguée. Si je continue, bien comme il faut, ma tête de zombie fera finie à temps pour Halloween. 

Et le soir, quand on est fatiguée. Très très fatiguée, et qu'on va se coucher en pensant qu'on s'endormira en peu de temps, c'est l'inverse qui se passe. Le cerveau commence à partir en vrille, et le sommeil ne vient pas. Au contraire, on rentre dans une spirale qui entraîne vers le bas. Et tout ce qui traînait dans le fond, résolu, bien rangé, bien trié depuis des années, remonte. Les problèmes, petits comme gros, reviennent en mémoire. Les déceptions viennent souvent pointer leur nez, avec leurs amis les regrets. Les frustrations, le manque, les blessures, . Le passé perdu, et l'avenir effrayant. 

Après quelques minutes de tentatives désespérées de contenir tout ça, je me dis qu'on peut bien laisser les larmes couler. Après tout, j'avais lu que ça permettait au corps d'éliminer 40% des hormones de l'humeur. Alors pourquoi aurais-je envie de les contenir? Restent 60% qui veulent pas partir. Et les invités du mariage entre un indien et une américaine, qui ont débarqué dans l'après-midi et qui discutent bruyamment dans le patio ne vont pas m'aider à m'apaiser et trouver le sommeil. La colère, bonne dérivation à la tristesse... Maudire les clients de l'hôtel, on réduit l'humeur mauvaise à 20%. C'est mieux. Pour le reste, on verra demain. 

Mais ça ne marchera pas. On a juste les yeux bouffis en plus, et la fatigue augmentée par le manque de sommeil. Alors aujourd'hui, on se concentre sur le soleil radieux, sur les enfants qui vont à l'école de bonne humeur, sur les gens adorables que j'ai eu la chance de rencontrer. Mon cerveau me ment, il me fait croire que je suis malheureuse, que la vie est un fardeau. Respire et regarde vraiment... là, tout de suite et maintenant, qu'est-ce qui va pas? Rien. Ca fait valdinguer 10%, et un tour chez Ikea avec mon amie fait disparaître les 10% restants.

Mais ça revient. Mélancolie, vas t'en, tu m'énerves. Pourquoi tu as décidé, là, maintenant, de revenir? Je rentre de l'école, Raphaël a reçu une récompense, je suis contente, alors pourquoi tu viens me parler de l'accident de voiture? Y'a un type et son chien qui s'arrêtent pour me demander si tout va bien. Tu n'es plus chez toi, c'est sûr. A Paris, une cinquantaine de personnes seraient passées en évitant soigneusement ton chemin. L'institutrice de Pierre est absente, son fils la remplace. Jeudi, je suis allée en classe pour faire mon volontariat. Il fait super bien son travail, il a l'air super happy, comme toutes les instits. Comme tous les gens, en fait. Comment font-ils pour être super happy tout le temps? J'en vois pas un seul qui tire la tronche, juste un peu, ou juste de temps en temps. 

La réponse tient peut-être aux immenses rayons de vitamines qu'on trouve dans les supermarchés. Lutter contre la fatigue pour lutter contre la mélancolie. Même avec un verre de jus d'orange plein de vitamine C, j'ai la chanson de Mano Solo qui reste en tête.
"Et des fois, va savoir pourquoi, alors que tout Paris t'ouvre les bras
Tu te retrouves collé, sur un pavé, avec un Sacré Coeur gros comme ça"

Ca fait deux mois que j'ai pas vu mes parents, ma grand-mère. Ca fait deux mois que j'ai pas vu ma tour Effeil ou mon Sacré-Coeur. Deux mois que j'ai pas mangé de galette complète ou de sandwich aux rillettes. Deux mois sans prendre un thé ou un café avec mes amies. Deux mois passés, et plus à venir.

En vrai je vais bien. Je suis juste fatiguée. Et vous me manquez. Demain, je dors et je prends des vitamines, promis. 

7 commentaires:

  1. Oh Mape, non, tu veux me faire pleurer?? Courage ma belle!!

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  2. Témoignage très personnel et très émouvant. De ce que j'en vois depuis que j'ai découvert ton blog ; et par la même occasion ton aventure américaine, je peux dire que tu es une "sacrée" femme qui porte tout à bout de bras, qui gère, depuis quelques mois, un changement de vie pour toute une famille de 5, qui s'adapte très rapidement à un nouvel environnement et qui achète et rénove une maison en un temps record. Chapeau et repos dans quelques jours (semaines ?) dans une belle maison. Je me retrouve dans ton témoignage. Petit "bout" de femme certes mais avec une grande force physique et mentale. Tu as le droit de craquer d'autant que tu as perdu quelques repères.
    Isabelle V

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  3. Que dire après de tels mots ?! (mis à part que je connais très bien tout cela.... hélas !)

    Big big hugs !!!!!!!!!!!!!!

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  4. Tout s'est enchainé très vite en deux mois, il y a certainement des tas de choses que tu n'as pas encore eu le temps d'assimiler, etc. Et du coup, ce temps qui passe et qui nous échappe rend nostalgique, créé des sentiments de peur ou d'angoisse ... Alors oui, tu as besoin de te reposer, de te poser tout court ... D'ici quelques semaines, qui passeront encore très vite, vous aurez cette possibilité de vous poser enfin chez vous pour réellement démarrer cette nouvelle vie que vous avez souhaité.
    Quant au mal du pays ... et surtout de ses proches, je n'ai malheureusement pas de remède pour que le manque soit plus supportable, si ce n'est continuer à les aimer, ici ou ailleurs :)
    Des bisous, du courage et une grosse dose de repos !

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  5. tu nous manques aussi ma map..
    c dingue 3 jours que je dors pas...même sentiment...Même état d'esprit. connecté même à l'autre bout du monde.
    et cest parce que tu es la ou tu as toujours rêvé de vivre, que tu as enfin la maison de tes reves; que tes enfants sont heureux que tu nas pas le droit a tes petits moments de blues.
    allez hop hop tu vas te reposer. ecoutes de la musique francaise bien triste...ca enfonce un bon coup....puis tu pleures pleures...et hop tu appelles ta famille et tes amies en France. et après tu repars jusqu'au prochain coup de mou...mais je vais juste te dire un truc personne est 100% happy tout le temps. personne.... je t'embrasse.love u

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  6. Quand j'ai lu tes mots ce matin, j'ai été partagé entre plusieurs choses: courir pour te serrer très fort dans mes bras (bon, ça risque d'être compliqué à m'être en œuvre !), t'envoyer un énorme pot de rillettes (ça, c'est plus facile !) et puis cette étrange sensation de me lire dans tes lignes. Comme si la mélancolie que tu décris était le miroir de ma propre mélancolie du moment (je t'expliquerai plus tard pourquoi). Et pile à ce moment, comme je fermais les yeux pour être inspirée par de belles paroles réconfortantes, le "ting" d'un mail qui venait d'arriver m'a arrêtée dans mon élan… ou pas… puisque participant à une chaîne de prières sur la joie, je découvrais une méditation de Saint-François d'Assise. Je l'ai relue plusieurs fois puis je me suis dit que, même si elle était longue, elle avait sa place ici:


    La joie parfaite selon Saint François d’Assise: Et comme blogspot trouve mon commentaire trop long, je suis obligée de ne te mettre que le lien vers la méditation… http://hozana.org/intention/4645/priere-pour-rire-gracement?info

    PS: Mais je te rejoins totalement sur les rillettes et les galettes… ;-)

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  7. "Les feuilles mortes se ramassent à la pelle, les souvenirs et les regrets aussi" dit la chanson. Et tout comme les feuilles mortes, ils nous tombent dessus régulièrement. Alors on balaye, on entasse, et ça fait du compost au printemps suivant.

    Marc.

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